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La Condition Participative (#Pcond)
Un colloque international présenté par Média@McGill
Depuis la fin des années 1990, les sociétés modernes sont de plus en plus mobilisées par le principe relationnel de « participation ». La participation n’est pas seulement une notion ou un ensemble de pratiques, mais aussi une promesse, une croyance, une rhétorique, une forme de répartition du pouvoir, un moyen de s’engager activement avec d’autres dans des processus de prise de décision susceptibles d’avoir une incidence sur l’orientation et le fonctionnement des collectivités, des systèmes et des organisations, de la politique et de la culture. Son expansion actuelle se manifeste dans les différents domaines auxquels elle touche : démocratie participative, citoyenneté, gouvernance, journalisme (la collecte, l’analyse et la diffusion des nouvelles et de l’information), communication quotidienne, commerce, emploi, éducation, création de communautés en ligne, planification urbaine, design, jeux vidéo et mondes ludiques virtuels, art et culture de la conservation. Or – et voilà qui est d’un intérêt crucial pour Média@McGill – cette expansion a été favorisée par le développement des technologies de médias sociaux (forums Internet, blogues, wikis, baladodiffusions, etc.) et des nouveaux appareils multimédia interactifs qui favorisent des formes de communication participatives, formes qui offrent un libre accès à l’information et permettent aux participants de créer et d’échanger de l’information au sein de communautés virtuelles, de réseaux et de coproductions culturelles. Le cyberactivisme (hacktivism) est la pratique politique participative par excellence à l’ère d’Internet – une pratique qui permet de réacheminer le trafic d’un site Web à un autre ou de pirater des sites Web en déformant ou en interrompant, en quelque sorte, le flux d’information.
L’impulsion participative repose sur une attente primordiale : la participation donne du pouvoir aux individus, crée des communautés plus solides et répond aux idéaux de la démocratie participative; elle garantit la circulation de l’information et améliore les processus de prise de décision en permettant le partage de ces processus entre dirigeants et citoyens, producteurs, spectateurs et utilisateurs. Cependant, les débats entourant la participation et les révélations sur la réalité des pratiques participatives montrent que cette hypothèse présente un certain nombre de problèmes. En effet, son expansion en tant que principe relationnel pourrait bien en avoir fait un principe qui gouverne sans partage les approches participatives plutôt que de favoriser l’hétérogénéité (la diversité des positions et des groupes identitaires). Il est donc capital d’examiner à quel point la participation est réellement une modalité de changement dans la société actuelle – un contexte dans lequel la participation est à ce point généralisée qu’elle semble être aujourd’hui une obligation plus qu’un choix. La participation est-elle devenue « une nouvelle tyrannie » (Cooke et Kothari, 2001)?
Autrement dit, les structures médiatiques qui permettent la participation risquent d’éclipser des questions importantes liées à la valeur de la participation, au conformisme possible qu’elle génère et aux défis éthiques et aux conséquences imprévues qu’elle engendre. Par exemple, l’impératif contemporain de participation prive-t-il les citoyens et les spectateurs de leur droit de ne pas participer et de demeurer passifs (Carpentier, 2011)? Quel est l’effet de la surveillance – une pratique permise et encouragée par les nouvelles technologies des médias – sur la participation (Andrejevic, 2007)? Quel est le juste équilibre entre libre accès et confidentialité (Jónsdóttir, 2013; Cohen, 2012)? À quel point la participation nous permet-elle d’être de meilleurs penseurs (Hayles, 2012) ou accentue-t-elle notre « bêtise » (Stiegler, 2012) » ? De quelle façon la participation influence-t-elle notre compréhension de la connaissance, de la démocratie, de l’intimité et de la subjectivité (Crawford, 2012)? Même si la participation est un processus de prise de décision et parfois un activisme dans le cadre duquel les régimes politiques sont mis en question, voire démantelés (Cammaerts, 2012), ne peut-on pas aussi la considérer comme une nouvelle esthétique (Frieling 2008; Dezeuze, 2010; Bishop, 2012)? Quelles seraient les textures perceptive, sensorielle et affective de cette esthétique? Autant de questions qui seront au centre de La Condition participative, un colloque de deux jours organisé par Média@McGill dont le principal objectif sera d’évaluer le rôle des médias dans le développement d’un principe dont l’expansion est devenue telle qu’elle est désormais la condition de notre modernité.
La Condition participative se penche sur l’idée même de la participation à l’âge numérique, qu’il s’agisse de nos rencontres avec des personnes et des technologies ou des expériences que nous partageons en tant qu’utilisateurs, publics et producteurs, tant en personne qu’en ligne. À l’instar de nombreuses nouvelles technologies qui l’ont précédée, du télégraphe à Internet en passant par le téléphone, certains ont vu dans le Web participatif un outil de renforcement du pouvoir collectif (Jenkins et al, 2006). Tandis que les cyberoptimistes prévoient une représentation démocratique accrue et le nivellement des inégalités sociales grâce aux fonctionnalités du Web interactif, les cybersceptiques se demandent à quel point la participation virtuelle correspond à des formes plus tangibles d’engagement politique (Morozov, 2012). Qui plus est, les études récentes confirment que la fracture numérique – les « écarts de participation » – demeure importante, ce qui nous amène à nous interroger sur la nature véritablement participative des médias mobiles, interactifs et sociaux.
Dans le fil du programme 2013-2014 de Média@McGill sur les médias participatifs, le colloque La Condition participative traite de l’histoire, des problèmes et des possibilités des médias participatifs – par exemple, comment les pratiques sur Internet peuvent ou non avoir changé les pratiques de citoyenneté modernes; comment les médias participatifs composent avec les dispositifs de surveillance et de collecte de données intégrés aux médias mêmes qui permettent la participation; et enfin, comment les processus participatifs sont de plus en plus appelés à investir les domaines de l’art, du design, des sciences sociales, du journalisme et des médias, et de l’informatique.
Puisant dans des études sur le design, les sciences cognitives, l’art, l’éducation, la loi, la littérature, le jeu et les médias, La Condition participative examine les relations entre différentes plateformes technologiques interactives, la promesse de participation qu’elles semblent sous-entendre, et la nature des échanges réels découlant de leur utilisation. Le colloque porte également une attention toute particulière aux modes par lesquels les médias modernes transforment nos pratiques et notre pensée. Notre investigation est issue d’un questionnement sur la nature participative souvent prêtée aux médias émergents et d’une préoccupation à l’égard des autres formes de participation susceptibles d’être éclipsées par les promesses d’une utopie numérique.
Présentations principales :
N. Katherine Hayles, Duke University
Rafael Lozano-Hemmer, Antimodular Research
Bernard Stiegler, Institut de recherche et d’innovation, Centre Georges-Pompidou
Conférenciers confirmés :
Bart Cammaerts, London School of Economics
Nico Carpentier, Free University Brussels
Julie Cohen, Georgetown Law
Mia Consalvo, Concordia University
Kate Crawford, Microsoft Research
Christina Dunbar-Hester, Rutgers University
Rudolf Frieling, San Francisco Museum of Modern Art
Jason Lewis and Skawennati, Aboriginal Territories in Cyberspace
Birgitta Jónsdóttir, M.P., Iceland
Geert Lovink, Institute of Network Cultures
Graham Pullin, University of Dundee
Trebor Scholz, The New School
Christopher Soghoian, American Civil Liberties Union
T. L. Taylor, Massachusetts Institute of Technology
Jillian York, Electronic Frontier Foundation
Comité du colloque :
Darin Barney, Gabriella Coleman, Christine Ross, Jonathan Sterne, Tamar Tembeck
Partenaires :
Conseil de recherches en sciences humaines
Musée d’art contemporain de Montréal
Département d’histoire de l’art et d’études en communications de l’Université McGill
Chaire de recherche du Canada en technologie et citoyenneté de l’Université McGill
Chaire James McGill en histoire de l’art contemporain de l’Université McGill
Chaire Wolfe en littératie scientifique et technologique de l’Université McGill
Centre pour l’étude de la citoyenneté démocratique de l’Université McGill
Institut Genre, sexualité et féminisme de l’Université McGill
Institut pour la vie publique des arts et des idées de l’Université McGill
Institut d’études canadiennes de l’Université McGill
Hexagram-Concordia, Université Concordia